LE PROJET BLAIR WITCH de Daniel Myrick et Eduardo Sánchez

Publié le par LESTAT

Titre original : The Blair Witch Project

Distribution [modifier]

Dans ce film, ce sont trois étudiants venus faire un reportage sur la sorcellerie au cœur d'une forêt réputée maudite, qui devront faire face au surnaturel.

Le film met en évidence les rapports plus ou moins soudés entre de jeunes adultes qui, à cause de circonstances effroyables, se révéleront n'être que des enfants. Tombés dans un piège auquel ils n'étaient pas préparés, leur véritable nature éclate au grand jour : des êtres immatures, ne sachant pas faire face à l'adversité dans une situation qu'ils ne maîtrisent pas et qui deviennent, en se filmant les uns et les autres, les sujets d'une terrifiante expérience sur la peur.

 

Pourtant les intentions paraissent honnêtes, Heather veut mener à bien son projet qui lui fera obtenir la reconnaissance , les deux garçons, pas vraiment motivés, l'accompagnent dans ses démarches peut être pour se prouver qu'ils ont atteint une maturité et une autonomie suffisantes pour " survivre " loin du confort familial.

 

Le projet blair witch renvoie ses personnages à leur véritable nature : de pseudo adultes autonomes, ils glissent vers un comportement immature et irresponsable (Mick qui jette la carte), se laissant aller aux pleurs et autres chamailleries. Isolés de tout, ils regrettent le confort perdu, subissant désormais la faim et l'isolement, proches des conditions de survie d'un Robinson Crusoé. Ces étudiants n'ont pas les nerfs assez solides, encore moins l'étoffe de héros pour survivre et se débrouiller comme il se doit dans de telles conditions. Lorsqu'une difficulté se fait sentir, ils pleurent et deviennent semblables à des bébés sans défense (chacun évoquera sa mère, d'une manière ou d'une autre), sans personne pour venir les sortir de ce mauvais pas.

 

Dans le film, Heather semble prendre la place de la « mère » pour les garçons et c’est peut être pour cela qu’ils se laissent guider machinalement par la jeune fille, gonflée d’orgueil. La détermination d'Heather la pousse à ignorer l'évidence : qu'elle ne sait pas où elle va vraiment. Guidée à l'aveuglette par sa quête de gloire, elle ne cesse de répéter à tort qu'elle " sait très bien où on va ", cherchant des preuves fictives de la réussite de son projet de plus en plus bancal. Malgré les signes annonciateurs du surnaturel (symboles vaudou, petits tas de pierres etc.), Heather continue son excursion et semble marquer un certain regret de devoir quitter ce lieu qui l'effraie autant qu'il la séduit.

Elle utilise peut être en permanence sa caméra comme protection, pour s'extraire de la situation qu'elle a provoquée, filmant une " réalité filtrée " comme lui fera remarquer Josh . Annihilant le danger, elle se persuade du bon déroulement de son projet, pour essayer de convaincre les garçons et éviter de culpabiliser.

Privée de cette caméra, Heather est désarmée et vulnérable, c'est pourquoi elle ne veut la lâcher pour rien au monde, n'hésitant pas à se battre contre ses amis qui veulent la lui arracher des mains, comme pour la forcer à voir la réalité, mais la jeune fille n'est pas prête, ou a peur d'admettre que son projet vire au cauchemar.


 

 

Le sujet du projet blair witch pourrait être la bêtise de certains, refusant de reconnaître leurs lacunes, quitte à s'exposer au danger, et devenant des " aveugles qui guident des aveugles ".

Le film serait entre autre une parabole sur un certain usage de l'outil audio-visuel, avec cette quête dérisoire du scoop tant recherché. Chaque élément découvert dans la forêt est comme du " pain béni " pour les protagonistes, qui s'attardent à filmer des branches d'arbres et autres futilités comme une découverte extraordinaire

 

Les prises de vues sont filmées caméra à l'épaule , plans plus ou moins fluides dans les séquences d'exploration, puis décadrés ,tremblants, parfois flous lors des scènes nocturnes, quand survient l'attaque du surnaturel, traduisant l'effroi des personnages. Limage vidéo, qui renvoie aux films familiaux (donc à la réalité quotidienne), sert l'effet de réalisme recherché et induit un doute chez le spectateur quant à savoir si ce qu'il a vu est vrai ou pas. Tout le film serait une sorte de tournage live, un cinéma direct qui fait du projet blair witch une œuvre à part, le brouillon d'un travail en principe inachevé.

 

L'outil cinématographique est ici utilisé comme tromperie, retournant peut-être ainsi aux sources de l'image animée lorsque les nécromanciens utilisaient les fantasmagories et la lanterne magique pour abuser de la crédulité des spectateurs. Les thèmes sont les mêmes, il s'agit toujours de manifestations de fantômes, de sorcière, de retour des morts et d'obscurité, éternelles frayeurs présentes à toutes les époques. Le projet blair witch remet d'actualité par l'image vidéo ce procédé archaïque, visiblement toujours efficace, démontrant ainsi que les terreurs humaines, quelle que soit l'époque, ne sont jamais effacées de notre psychisme mais prêtes à resurgir dès qu'un contexte semble les confirmer.

 

 

Et ce contexte est libéré après une transgression. En entrant de leur plein gré dans cette foret, ils quittent le monde rationnel pour l’irrationnel.

La nature exacte du surnaturel ne sera jamais clarifiée mais on sait que son histoire s’étale sur plusieurs siècles, avec pour base la légende de la sorcière de Blair, l’histoire du serial killer Rustin Parr, et de meurtres rituels.

C’est après la visite du cimetière que le mal se manifeste, toujours hors champs, jouant sur la suggestion et nous faisant retrouver les codes « anciens » du fantastique en utilisant à son avantage un procédé efficace : l’obscurité. Nous n verrons jamais au delà de quelques mètres, et les étranges sons qui résonnent semblent provenir de partout.

La faible lumière directe de la camera vidéo dessine un aspect menaçant aux arbres dont les silhouettes immenses couvrent l’avant plan, créant une ambiance où chaque détail, chaque signe contribue à renforcer le sentiment d’angoisse et d’insécurité : bruits, appel dans la nuit, présence impalpable. Autant d’éléments traditionnellement liés à la peur, qui témoigne de ce que les personnages ne sont pas seuls et que quelque chose se dissimule.


 

 

Apres avoir tenter vainement de fuir et la disparition d’un des protagonistes, les deux survivant prennent la décision d’affronter leurs peurs. On ne peur s’empêcher de compatir avec ces êtres fragiles qui vont affronter l’inconnu sans aucune arme, en faisant face  la source de toutes les peurs, pour arriver jusqu’à la sorcière.

 

Rappelons que la définition du fantastique selon Tzvetan Todorov est basée sur l’hésitation, qu’il  « n’y a pas de preuve formelle de l’existence du surnaturel, événement qui peuvent s’expliquer par les lois de la raison mais qui sont d’une manière ou d’une autre : incroyables, extraordinaires, choquantes, singuliers, inquiétants, insolites… »

Le projet blair witch illustre bien cette définition car comme on l’a vu, le surnaturel est seulement suggéré, jamais dévoilé.

Toutes les pistes sont ouvertes, le film laisse vraiment le soin au spectateur d’interpréter, de deviner les événements. Il se trouve davantage impliqué dans le récit car obligé de combler les nombreux trous de la narration, par ses propres peurs.


 

 

 


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B
<br /> Excellente chronique!! Je suis un adepte de ce genre de film et il reste pour moi un film charnière de l'horreur!!<br /> <br /> <br />
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